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24 février 1848. Sur les barricades, Baudelaire appelle au meurtre de son beau-père.

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24 février 1848. Sur les barricades, Baudelaire appelle au meurtre de son beau-père. Empty 24 février 1848. Sur les barricades, Baudelaire appelle au meurtre de son beau-père.

Message par victor Lun 24 Fév 2014 - 12:55

24 février 1848. Sur les barricades, Baudelaire appelle au meurtre de son beau-père.
Durant quelques jours, le poète dandy joue au révolutionnaire. Entre deux loukoums au haschisch...

Poète, drogué, dandy, amateur de prostituées, syphilitique, Baudelaire est tout cela, et bien pire encore. En février 1848, il se croit même révolutionnaire quand il se mêle aux Parisiens pour réclamer le départ de ce bourgeois de Louis-Philippe. Le 24, il faut le voir, une cravate rouge nouée autour du cou, courir les rues, surexcité par l'effervescence révolutionnaire. Il a alors 26 ans. Rue de Buci, il participe avec la populace au pillage d'une armurerie. Un ami l'aperçoit : "Il portait un beau fusil à deux coups luisant et vierge, et une superbe cartouchière de cuir jaune tout aussi immaculée." Il est aussi chou qu'un Ukrainien de la place Maïdan...

À vrai dire, le poète n'a cure de la République, cette émeute est, pour lui, une merveilleuse occasion de cracher sa haine des créanciers, des huissiers et de tous ceux qui l'empêchent de vivre à sa guise. Il tente de monter la foule contre son beau-père, alors directeur de l'École polytechnique. Il hait cet homme qui lui a volé sa petite maman chérie. Perché sur une barricade, il hurle : "Il faut fusiller le général Aupick !" Il essaie de convaincre Daniel Cohn-Bendit. Celui-ci l'éconduit : "Écoute, mon pote, j'ai laissé tomber la politique. Je préfère le foot, maintenant..." En fait, personne n'écoute cet hurluberlu. Quelques années plus tard, il avoue dans Mon coeur mis à nu :

"Mon ivresse en 1848.

De quelle nature était cette ivresse ?

Goût de la vengeance. Plaisir naturel de la démolition.

Ivresse littéraire : souvenir des lectures."

Vers midi, le 24 février, le roi Louis-Philippe abdique en faveur de son petit-fils. Baudelaire l'apprend-il ? Probablement. Le soir, il regagne l'hôtel de Pimodan (aujourd'hui, l'hôtel de Lauzun), sur l'île Saint-Louis, où il occupe un petit appartement au troisième étage. Au premier loge le peintre Boissard, qui l'a initié au haschisch. Sans doute, après cette journée harassante, a-t-il avalé sa dose habituelle de laudanum - de l'opium dilué dans de l'alcool - pour combattre ses maux de tête et ses douleurs intestinales, manifestations d'une probable syphilis. Il passe la soirée avec Valérie cherchant à rendre jaloux François...

"Bizarre déité, brune comme les nuits,

Au parfum mélangé de musc et de havane,

OEuvre de quelque obi, le Faust de la savane,

Sorcière au flanc d'ébène, enfant des noirs minuits,

Je préfère au constance, à l'opium, aux nuits

L'élixir de ta bouche où l'amour se pavane ;

Quand vers toi mes désirs partent en caravane,

Tes yeux sont la citerne où boivent mes ennuis."

La Révolution ayant supprimé la censure bâillonnant la presse, Baudelaire fonde avec deux amis Le Salut public. L'un d'eux, Charles Taubin, se rappelle : "Le choix du titre fut bientôt fait. Baudelaire proposa celui de Salut public, qui me parut trop vif, mais mes deux collaborateurs me firent remarquer qu'en révolution il faut parler haut pour se faire entendre. La question d'argent présenta un peu plus de difficultés. On était à la fin du mois de février, Champfleury avait juste quarante sous sur lesquels il fallait vivre jusqu'au 1er mars. Baudelaire avoua que, depuis le 6 janvier précédent, il avait épuisé son premier trimestre... Nous pouvions, mon frère Eugène et moi, en nous saignant à blanc, disposer de 80 à 90 francs, et ce fut avec cette importante mise de fonds que fut fondé Le Salut public."

Imaginons Baudelaire, vêtu d'une blouse grise d'ouvrier, lui, le dandy, vendre sa gazette à la criée, rue Saint-André-des-Arts. Dans le premier numéro, il écrit : "Depuis trois jours, la population de Paris est admirable de beauté physique. Les veilles et la fatigue affaissent les corps, mais le sentiment des droits reconquis les redresse et fait porter haut toutes les têtes. Les physionomies sont illuminées d'enthousiasme et de fierté républicaine. Ils voulaient, les infâmes, faire la bourgeoisie à leur image - tout estomac et tout ventre -, pendant que le peuple geignait la faim. Peuple et bourgeoisie ont secoué du corps de la France cette vermine de corruption et d'immoralité ! Qui peut voir des hommes beaux, des hommes de six pieds, qu'il vienne en France ! Un homme libre, quel qu'il soit, est plus beau que le marbre et il n'y a pas de nain qui ne vaille un géant quand il porte le front haut et qu'il a le sentiment de ses droits de citoyen dans le coeur."

Après seulement deux numéros du Salut public, faute d'argent, les trois complices doivent arrêter la publication. Mais cela ne décourage pas le futur auteur des Fleurs du mal de vouloir poursuivre sa carrière de journaliste révolutionnaire. "Après tout, se dit-il, je ne peux pas faire pire que Nicolas Demorand..." Apprenant qu'un groupe d'actionnaires cherche un rédacteur en chef pour L'Indépendant de l'Indre, il débarque à Châteauroux en compagnie de Marcela, qu'il présente comme Mme Baudelaire. Sa première diatribe enflammée dans la gazette lui vaut d'être immédiatement congédié. Le président du conseil d'administration de L'Indépendant de l'Indre lui lance : "Monsieur, vous nous avez trompés ! Mme Baudelaire n'est pas votre femme : c'est votre favorite." Et le poète de rétorquer avec dédain : "Monsieur, la favorite d'un poète vaut bien la femme d'un notaire !" Cochon qui s'en dédit.


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