J'ai peur de l'orage: récit de la nuit d'une trouillarde

Vous êtes une fille, vous vivez seule et vous avez passé la dernière nuit à compter les secondes qui séparaient les éclairs éblouissants du coup de tonnerre. Depuis l'enfance, vous savez qu'elles vous indiquent la distance de l'orage qui vous fait claquer les genoux. Vous avez compté six secondes entre les deux? Divisez ce chiffre par 3: l'orage est donc à 2 kilomètres de vous.

Sauf que cette nuit, roulement de tonnerre et éclairs zébrant le ciel se superposaient. Enfin, c'est du moins ce que vous avez deviné, roulé en boule sous la couette, derrière vos paupières closes. Non pas que vous ayez essayé de dormir, vous ne croyez plus au Père Noël, mais parce que les yeux fermés, vous aviez l'impression de faire abstraction de la réalité et de moins voir les stromboscopes dans votre chambre. C'est votre manière à vous de régler vos problèmes: fermer les yeux et attendre que ça passe. Ca marche généralement pour tous les domaines de la vie, dans le cas de l'orage, c'est plus délicat.

Après la peur, l'énervement
C'est étrange cette peur de l'orage qui vous tord l'estomac maintenant que vous êtes une grande fille. Petite, les coupures de courant étaient synonymes de franche rigolade avec votre frangin et vous étiez la première à galoper dans le noir à la recherche des bougies. Aujourd'hui, si l'image vacille à la télévision, un frisson de terreur vous parcoure l'échine.

Après la peur, vient l'énervement: comment est-ce possible d'avoir un temps pareil un 23 août? Qu'a-t-on fait au bon Dieu pour provoquer ainsi sa colère (oui, même les athées convaincus peuvent imaginer un barbu vêtu de blanc assis sur un nuage et pointer la terre du doigt en lançant des décharges, en cas de trouille intense!). Normalement l'orage suit plusieurs belles journées d'été, non? On en a eu UNE SEULE, bon sang de bonsoir!

Tout le monde dans la muise
Puis, vient le moment de se rassurer. Déjà, vous avez de la chance: vous êtes à l'intérieur! C'est que vous auriez pu vous retrouver en rase campagne, près d'un arbre isolé (oui, à 3 heures du matin, et alors?). Autre phrase à se répéter pour respirer un peu plus calmement: vos voisins, votre soeur, votre patron, bref, les gens qui vous entourent sont tous roulés en boule dans leur lit en attendant que ça passe. Eux non plus ne dorment pas. Eux aussi ont peut-être peur. Savoir que vous n'êtes pas la seule dans la muise, ça soulage, quelque part.

Et tout à coup, la renaissance
Et puis tout à coup, alors que vous pensiez que ça n'en finirait plus, le ciel se dégage. Les sirènes de police et d'ambulance résonnent au loin. Vous vous touchez le corps: tout est à sa place. Il y a comme un goût de fin d'apocalypse. Comme un goût de renaissance. Vous allez enfin pouvoir retrouver votre dignité habituelle. Moi, peur de l'orage, tu rigoles ou quoi?

Dé.L.